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Apprendre à coder à des réfugiés birmans : l’interview de Pierre U.

Apprendre à coder à des réfugiés birmans : l’interview de Pierre U.

Il y a quelques semaines, Pierre Usselmann s’envolait pour la Thaïlande pour aller apprendre à coder à des réfugiés birmans situés en Thaïlande. C’est juste après son retour que j’ai recueilli ses impressions sur cette aventure humaine.

Alors, premières impressions au retour ?

Pierre U. : Les jeunes réfugiés étaient vraiment motivés, ils avaient soif de connaissance et les conditions de cours étaient plutôt bonnes dans un endroit si reculé.

Comment t’est venue l’idée de réaliser ce projet ?

Pierre U. : J’ai toujours aimé former d’autres personnes, que ce soit des stagiaires, amis, membres de famille. Quand tu m’as parlé de ces réfugiés birmans en Thaïlande, j’ai voulu aller voir sur place et aider des gens motivés et qui n’ont pas accès à ce type de formation.

Justement tu parlais des conditions de cours… Tu peux décrire un peu quelles étaient tes conditions de vie et les conditions dans lesquelles tu as fait cours ?

Pierre U. :  Je vivais dans un village à une heure à pied d’un camp de réfugiés birmans situé au Nord de la Thaïlande. Le village était composé de maisons en bambou, c’était des conditions assez sommaires. Les jeunes vont pêcher pour se nourrir, ils récupèrent les eaux de pluie dans des réservoirs. Pourtant ils avaient accès à internet grace à une antenne wifi connectée au village thaï voisin. J’étais hébergé gratuitement dans les locaux d’un organe de presse karen, ktimes, et également nourri. J’enseignais le code au sein du Karenni Community College. Au départ, je devais donner des cours de code uniquement l’après-midi, mais finalement, j’ai fini par donner des cours le matin, l’après-midi et le soir, car les élèves en demandaient toujours plus. Et ils ont voulu poursuivre ce rythme le week-end également, ils sont même allés jusqu’à rester dormir à l’école pour pouvoir suivre plus de cours ! Quant aux conditions de cours, l’école avait fourni un ordinateur à chaque élève le temps de la formation et un rétroprojecteur dans la salle de classe.

Apprendre à coder à des réfugiés, pas trop dur ? Quelles difficultés as-tu rencontrées en tant que professeur volontaire ?

Pierre U. : J’avais déjà formé quelqu’un en anglais, mais la personne maîtrisait mieux la langue. Avec les réfugiés birmans, il y a eu quelques petits soucis de communication car ils ne maîtrisent pas parfaitement l’anglais. Je ne suis pas non plus professeur de métier donc ma pédagogie laissait peut-être un peu à désirer. Du coup, ça n’a pas forcément été simple de leur expliquer certains concepts. Par contre, le point positif, c’est qu’il y avait des profs locaux qui suivaient également mes cours. Après que je m’en suis rendu compte, j’ai pu me focaliser davantage sur eux pour m’assurer qu’ils comprenaient bien et puissent expliquer et transmettre leurs connaissances aux élèves en Birman, même lorsque je ne serai plus là.

Tu les as formés à quoi principalement ? Donne nous un aperçu du contenu

Pierre U. : Je leur ai demandé si ils connaissaient l’HTML. Ils m’ont répondu qu’ils avaient déjà suivi des cours d’HTML. Quand je leur ai posé davantage de questions, j’ai pu me rendre compte qu’ils connaissaient les balises, mais lorsque je leur ai demandé de créer une simple page web, ils ne savaient pas comment faire. J’en ai donc déduit qu’ils avaient simplement suivi quelques cours théoriques mais n’avaient jamais pratiqué. Je leur ai donc appris l’HTML et le CSS : les balises classiques en HTML et les selecteurs en CSS.

Et pour la suite, que prévois-tu ?

Pierre U. : J’aimerai bien retourner là-bas et tester nos outils Toxicode en direct avec eux, former des élèves plus jeunes et plus vieux et pourquoi pas essayer de monter quelque chose sur place pour leur permettre d’accéder à des formations et à un emploi. En attendant, je continue à les suivre à distance, je leur envoie des ressources et des exercices pour les plus motivés.

En conclusion, quels points positifs et négatifs retiens-tu de ton expérience ?

Pierre U. : Rien à dire de négatif , à part que c’etait trop court ! Quant au positif, j’ai beaucoup appris et beaucoup transmis en l’espace de deux semaines et j’ai vraiment envie de retourner les aider davantage.

Et peut être une question bonus : quels conseils pour les gens qui veulent se lancer comme toi et faire du volontariat ?

Tout simplement, s’y prendre un peu à l’avance, préparer des plans de cours et trouver des exercices ludiques à faire avec eux; ne pas se préoccuper des conditions de vie un peu sommaires; être prêt à enseigner beaucoup pour répondre à l’enthousiasme des élèves. Et pour plus de renseignement et d’infos, qu’ils n’hésitent pas à me contacter !

Histoire pour apprendre à coder – Le boulier

Histoire pour apprendre à coder – Le boulier

Lorsque l’on souhaite apprendre à coder, on pense que l’on va apprendre un métier qui est très récent. C’est vrai, si vous apprenez un langage de programmation votre objectif sera certainement de vouloir réaliser des sites web ou des logiciels via un ordinateur. Cela fait partie des nouveaux métiers qui ont vu le jour avec l’essor des nouvelles technologies.

Si je vous demandais à quand remontent les origines des langages de programmation, je pense que la majorité des lecteurs de ce billet de blog estimerait que cela remonte à moins d’un siècle. C’est là qu’il peut sembler y avoir un paradoxe. Même si le métier de développeur web ou de développeur de logiciel est très récent dans notre Histoire, l’origine de l’informatique et des langages de programmation est bien plus lointaine que l’on ne pourrait le penser.

En réalité, l’informatique que l’on connaît aujourd’hui est le résultat final de trois innovations humaines (que je traiterai à travers trois billets de blog) :

  • La mécanisation des opérations de calcul
  • La programmation
  • La notion d’algorithme

Dans ce premier billet de blog, je vais revenir sur la mécanisation des opérations de calcul.

Qu’est-ce la mécanisation des opérations de calcul ?

L’homme a cherché depuis plusieurs siècles des solutions pour calculer plus rapidement. Les méthodes pour compter et calculer peuvent être radicalement différentes d’un endroit du globe à l’autre.

Ainsi, le boulier, essentiellement en Asie, est un outil mécanique utilisé pour calculer, et ce depuis des siècles.

Dans un article du journal Le Monde du 26 novembre 1987 (réservé aux abonnés), un journaliste avait suivi des expériences faites dans des classes pour utiliser le boulier. Il est expliqué que lors de concours de calcul au Japon, le choix du boulier était supérieur à la calculatrice électronique. Le boulier permet même de calculer plus rapidement qu’une calculatrice !

« Avec le boulier, un enfant est capable de raisonner sur un nombre qu’il ne sait pas désigner », observe Mme Josette Huso, institutrice en CP à Grigny.

Le boulier offre la possibilité d’acquérir une réflexion visuelle où l’on va déconnecter le nombre de son aspect abstrait. On ne visualise que des boules. De plus, cela permet de voir les opérations dans leur ensemble. Une addition ou une soustraction sont des opérations pratiquement identiques dans cette méthode de calcul alors que dans les pays occidentaux, on va les traiter comme deux éléments d’apprentissage distincts. Les élèves qui ont appris à calculer avec un boulier sont souvent meilleurs en calcul mental. Ils ont une méthode de calcul différente.

En développement, c’est la même chose. En fonction de la façon dont sera écrit le code, on va avoir une réflexion différente pour arriver à un résultat. C’est pour cette raison qu’il est important de maîtriser les bonnes pratiques de la programmation car cela permet d’avoir un code plus efficace et lisible.

Le boulier illustre le paradoxe que l’on retrouve au Japon mais également dans le développement et l’informatique. Nous avons des outils ultra modernes tout en utilisant des logiques, des méthodes, qui sont ancestrales (même si l’usage du boulier n’est pas nécessaire pour apprendre à coder). Cette méthode est ancienne et les bouliers sont des objets rustiques dont la puissance pédagogique a traversé les siècles.

A l’heure du débat sur la nécessité d’apprendre le code à l’école, cela pourrait commencer par l’apprentissage de certains socles. L’usage d’un boulier dans une classe pourrait, paradoxalement, être un élément de l’apprentissage du code à l’école.

C’est donc assez amusant de constater que nos élèves (ceux qui ont eu des leçons avec un bouliers) « apprennent » depuis des décennies des logiques courantes en programmation à l’école…

Pour aller plus loin, je vous invite à comprendre le mécanisme du boulier à travers cette vidéo et pourquoi pas vous amusez avec un boulier … numérique !

Apprendre à coder, un espoir pour les réfugiés birmans ?

Apprendre à coder, un espoir pour les réfugiés birmans ?

L’équipe de Toxicode est fière de partager avec vous l’aventure humaine de l’un de nos membres, Pierre, actuellement en Thaïlande pour apprendre à coder à des réfugiés birmans. C’est un projet associant volontariat et apprentissage de la programmation auprès de réfugiés birmans.

D’où ce projet est-il né et que va-t-il se passer ?

Origine du projet

Tout a commencé lorsque j’ai partagé avec le reste de l’équipe mon expérience de volontariat en tant que prof d’anglais dans un camp de réfugiés birmans à la frontière de la Thaïlande. Mon récit a d’emblée piqué la curiosité de Pierre Usselmann, qui a voulu en savoir davantage et s’investir dans une action d’aide associant volontariat et apprentissage du code. Je l’ai d’abord mis en contact avec un de mes anciens élèves, réfugié vivant dans ce camp, qui souhaitait se former au code. Pierre l’a coaché à distance, en lui donnant des exercices simples à réaliser chaque semaine.

Suite au succès de cette première expérience, Pierre a souhaité aller plus loin. Il y a une semaine, il s’est envolé vers la Thaïlande, après avoir pris contacts avec plusieurs ONG locales. Parmi les 4 ONG qui sont rentrées en contacts avec nous, nous avons sélectionné celle qui respectait les pré-requis suivants : mise à disposition d’ordinateurs et d’un écran pour les cours, et pour les besoins personnels et professionnels de Pierre un logement et une connexion internet.

Concept du projet

L’idée de Pierre était simple : pourquoi ne pas pousser plus loin l’expérience et aller sur place mettre nos compétences au service de gens qui en ont réellement besoin ? Les réfugiés Birmans situés en Thaïlande semblent pouvoir bénéficier de notre aide pour apprendre à coder.

Pour expliquer brièvement l’histoire des camps de réfugiés birmans situés en Thaïlande, ils ont été progressivement ouverts à la mise en place d’un régime militaire dictatorial en Birmanie dans les années 60 et ont vu arriver au fil des décennies plusieurs vagues de réfugiés. Neuf camps ont été installés à l’intérieur de la Thaïlande, à quelques kilomètres de la frontière, de l’ouest au nord du pays, chacun pouvant accueillir en fonction des années jusqu’à 20 000 personnes ayant fui l’oppression militaire. Les populations les plus touchées et les plus démunies sont en général les nombreuses minorités ethniques qui peuplent la Birmanie. Les autorités thaï ont toléré l’installation des camps mais limitent très fortement les déplacements des réfugiés hors du camps et peuvent les sanctionner très durement lorsqu’ils en sortent. Certains réfugiés de cette région sont là depuis dix ans voire vingt ans. Ils bénéficient en général d’une éducation de base jusqu’au niveau lycée, grâce au soutien des ONG locales et internationales. Mais les adolescents et jeunes adultes se retrouvent souvent désœuvrés, sans perspective d’avenir, que ce soit un accès à l’université ou au monde professionnel.

Grâce à ce projet, Pierre souhaite former ces jeunes à un métier qu’ils pourraient exercer même à l’intérieur des camps et qui leur permettrait d’obtenir un revenu significatif. Apprendre à coder est une manière de se former à un métier. Le camp près duquel il enseigne est essentiellement peuplé des différentes ethnies provenant de l’État Karen et certains ont le droit de venir dans ce village afin de suivre des cours avec les volontaires et autres enseignants (ou du moins, les autorités ferment les yeux sur les allées et venues des étudiants).

Cette initiative s’inscrit également tout à fait dans la démarche et l’esprit de Toxicode : un projet pour permettre de rendre l’apprentissage du code accessible à une population défavorisée, une formation donnant des bases concrètes et un réel avenir professionnel, et un côté débrouille « on fait avec les moyens du bord mais on fait, et on fait bien » qui colle tout à fait avec notre façon de travailler et concevoir nos propres projets.

Que va-t-il se passer ?

Après quelques jours à Bangkok, Pierre a pris un avion jusqu’a Chiang Mai et un bus jusqu’a Mae Hong Son (à 350 km de là) pour arriver au village de Nai Soi, a 4 km de la frontière birmane.
L’ONG que nous avons sélectionnée est une école, la Karenni Community College (KnCC), qui propose l’équivalent d’une formation universitaire en 2 ans. Certains membres de leur équipe sont venus le récupérer sur place pour l’emmener au village où il vient de commencer ses cours. Il loge avec plusieurs volontaires dans les locaux d’un organe de presse karen (ktimes.org) qui propose de l’information quotidienne sur l’État Karen et plus généralement sur tout ce qui est relatif aux Karens. Il me fait régulièrement des retours sur son expérience, et semble pour l’instant ravi de l’enthousiasme débordant de ses étudiants.

Félicitons-le donc pour cette initiative humaine et souhaitons-lui donc bon courage !!!

Et la suite ?

Afin de partager avec vous la fin de cette aventure, je réaliserai une interview de Pierre qui sera postée sur notre blog à son retour en France.

Pour plus d’informations et pour apporter votre soutien à cette école (dons, volontariat),  laissez-nous un commentaire sous ce billet ou rendez-vous sur le site : http://kncccollege.blogspot.se

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